L’engagement

L’engagement

De peur de n’être aimé, on n’ose aimer. Ce mécanisme bien connu dessine les contours de moult relations humaines, mais s’il se projette aisément dans les sphères personnelles, il semble aujourd’hui de plus en plus suinter dans les environnements professionnels… à défaut d’oser même parler de sphères citoyennes.

Par peur d’être rejeté

Si l’humain se distingue par sa capacité à craindre de vivre à force de craindre la mort, il donne parfois l’impression de se recroqueviller tel un gastéropode destiné à buller dans sa coquille. Partager, se donner, se livrer, sans concessions et sans craintes… n’est pas un mécanisme naturel pour notre cerveau reptilien.

Nous sommes pourtant dotés d’autres méandres cérébraux potentiellement plus enthousiasmants me direz-vous ? Oui, mais voilà, on a tendance à se laisser guider par des circuits intégrés hérités de nos explorations en milieux réellement hostiles, il y a bien longtemps. On reste sur le qui-vive, comme si tout notre environnement conspirait constamment à notre perte (alors qu’on arrive très bien à se pourrir la vie tout seul).

On voit des ennemis partout et on bombe le torse comme des héros prêts à vaincre le dragon ! Ah bah non en fait…. A défaut de surmonter l’obstacle imaginaire, on va lui créer un décor fantastique qui justifiera encore plus notre inaction.

Dans les faits, on range les allégories joyeuses de l’enfance dans des boîtes à idéaux. On se dit que le monde des adultes fout les boules et que dans la vraie vie, il faut faire comme les méchants pour s’en sortir. S’en sortir de quoi ? On ne sait pas… Être heureux, comme but dans la vie… on oublie.

Bah oui pardi, c’est tellement plus confortable de se dire que celui qu’on peut aimer, que celui qui peut nous aider à être la meilleure version de nous-même, eh bien, il pourrait nous planter un couteau dans le dos (bah voyons, il n’a que ça à faire… à moins que par effet miroir, notre peur ne génère sa peur et qu’on fasse monter la mayonnaise de la violente bêtise jusqu’à réellement se taper dessus). Je ne vous apprend rien, nos prédispositions à la connerie sont remarquables. Oui mais…

Il y a des motifs d’espoir…

On n’a pas que ce foutu petit morceau de cervelle archaïque dans la boîte crânienne merde ! Ok, le turban limbique autour ne simplifie pas les choses et aurait même tendance à nous embrouiller quand on a lu le mode d’emploi en diagonale ou que les pédagogues à la maison se sont un peu foirés parce qu’eux non plus n’avaient pas forcément pris le manuel à l’endroit.

Dans une poussée darwinienne, notre corps s’est dit qu’il fallait développer un machin pas trop loin des yeux, histoire de simplifier les moeurs. Paf, cadeau, comme notre copain le dauphin, nous voilà dotés d’un neocortex. Ok, le père noël est passé par la cheminée il y a environ 40 000 ans… et on a un peu galéré pour déballer le paquet. Le truc à l’intérieur permet normalement de socialiser en toute sérénité. Enfin, c’est ce qui était écrit sur la boîte. Mais avec le marketing… et notre cerveau reptilien, on a appris à se méfier.

Précipiter la chute collective par crainte de trébucher ?

Ces derniers siècles, on a connu quelques élans de lucidité. On a même mis des noms sur des concepts comme la civilisation, l’humanité, on a conceptualisé notre environnement en reprenant conscience de l’importance des équilibres qui le préservent et nous préservent : dans le collectif.

Cela ne nous a pas empêchés de faire de la merde. Pas par créativité, mais par constipation sociale, par contraction, comme si retourner dans la primalité nous rassurait. Après tout, c’est pratique : pas de liberté, pas de responsabilité et vice-versa. Ca nous a bien fait grimacer, mais ça ne nous a pas toujours empêché de reprendre le même régime.

Le problème, quand le transit n’est pas fluide, c’est qu’on développe toutes sortes de symptômes désagréables et ce n’est pas là qu’on a les idées claires. On reprend les bonnes habitudes, on va chercher la menace à l’extérieur, on continue de se contracter au lieu de respirer tranquillement.

Alors quand on s’approche d’une phase d’effondrement où notre modeste espèce risque d’y laisser plus que des plumes, on se remet en mode jungle. Pire, on pense que dans la jungle, on s’en sortait en se battant contre nos congénères ou en les laissant dans la galère pensant qu’ils feront une pitance de diversion au prédateur (même si on sait, le cas échéant, que le prédateur c’est nous même). Bon, on a fait le choix de se positionner entre le gnou et le hamster dans notre stratégie de survie.

Et là, on ne s’est toujours pas dit que ce bidule plein de synapses qu’on a développé derrière le front, pouvait servir à quelque chose ?

Et pourtant, il suffit d’aimer !

Bah voilà ! On va enfoncer quelques portes ouvertes, mais oui… la loi de la jungle, celle qui nous permet de nous en sortir en préservant les conditions nécessaires à notre survie, c’est bien la coopération bordel ! Et tu ne peux pas coopérer si tu ne fais pas confiance aux autres, si tu ne donnes pas, si tu ne t’inclues pas dans le collectif… Dingue. Nos contes et nos bouquins de sagesses populaires le répètent depuis des millénaires.

Vous souvenez-vous des expériences joyeuses du collectif ? Cultivez-vous une relation à l’autre et aux autres sans concessions ? Bien sûr, deux pas en avant, un pas en arrière, c’est une question d’entraînement. Bien sûr que vous aurez peur qu’on profite de vous. Bien sûr qu’on essaiera de profiter de vous, de jouer de votre naïveté… mais où est le perdant ?
Personne n’est gagnant seul. Si l’amour a manqué, il n’est jamais trop tard pour le faire vivre.